Rendez vous le 12 Décembre 2006
Après cette merveilleuse aventure nordique, dès le mois de mai, j’ai repris mes entraînements en douceur, à raison de 3 sorties par semaine, jusqu’en août.Et depuis septembre, je suis passé à la vitesse supérieure, je cours pratiquement tous les jours.
Et oui, je n’avais pas encore quitté la banquise, que j’avais déjà en tête : L’ANTARTIC ICE MARATHON.
Et la boucle sera bouclée. Je ferai enfin parti du club très fermé des marathoniens ayant couru sur les 7 continents, ainsi qu’au pôle nord.En fait, mon défi, un peu plus fou encore, m’aligner sur le marathon le 12 décembre 2006, et 2 jours plus tard, tenter les 100 km. Une distance qui m’est complètement inconnue, puisque mon expérience s’arrête à l’Ultra Marathon des 2 océans, à CAPE TOWN, 56 km (Afrique du Sud).Une distance d’autant plus difficile, étant donné les conditions de course.
Courir sur la glace, alors pas de raquettes, cette fois, mais des chaussures à pointes pour une meilleure adhérence. Un vent soufflant parfois à plus de 100 km/h, et une température de -20° a – 60° Aujourd’hui, à moins de 30 jours du départ, le trac est là, je me pose plein de questions.
N’ai-je pas mis la barre un peu trop haute, cette fois-ci ? Vais-je pouvoir terminer ces 100 Bornes?Mon entraînement s’intensifie de plus en plus. Il y a quelques jours, j’ai participé au marathon de BUENOS AIRES, et j’ai pu constater que la forme était au rendez-vous.
Je me suis classé 5ème dans la catégorie V2, et 485ème sur 6000 coureurs.
Malgré ce résultat honorable, je dois poursuivre et dérouler, dérouler, « avaler du goudron ».
Je ne suis pas encore prêt, le plus dur reste à faire.
Reprendre un peu l’entrainement sur tapis dans les frigos, quelques sorties en montagne à 2500m, histoire de s’habituer à l’altitude. Et toujours manger du goudron !!!!!
Ice Marathon : le marathon – 13 Décembre 2006
4 mois à me poser sans cesse les mêmes questions « vais-je pouvoir les terminer « ces fameux 100km ». En fait, n’ayant jamais couru sur cette distance, je n’ai aucun repère, d’autant plus, que 48 heures après le marathon, vais-je pouvoir tenir physiquement ?
Le mental sera capital sur cette distance.
Et puis, tout dépendra aussi de mon résultat sur le marathon. Et cette fois, je dois absolument le faire « un marathon canon », pour balayer mes regrets.
Car lorsque je repense à ma course au pôle nord, j’en ai quelques uns. J’ai été trop gourmand et impatient, pensant pouvoir améliorer mon avance, j’ai ôté mes raquettes. Et là ; j’ai payé le prix fort, que de temps perdu….
Alors fort de cette expérience, j’ai vraiment pensé et repensé cette course. Je suis prêt.
Et sans me l’avouer réellement, je pars avec la volonté de tout tenter pour me placer en tête.
Après les quelques problèmes de transport pour arriver jusqu’à Punta Arenas, et les 4 jours d’attente en raison de mauvaises conditions climatiques, nous foulons enfin le sol de l’ANTARTIQUE.
C’est magnifique, il est 5 h du matin, le soleil brille.
Je découvre un décor incroyable, un désert de glace qui brille comme un miroir.
Sous un bleu éclatant, tout est blanc. Au fond, les fameuses collines « Patriot Hills », magiques, un paysage de rêve.
Après avoir reçu, les consignes du responsable du camp, nous avons pus dormir 2,3 heures dans des tentes deux places. Je partage la mienne.
Trois heures plus tard, je décide d’aller essayer mes chaussures sur la glace, car pour moi, c’est une première. Elles sont toutes neuves, je n’ai jamais couru sur la glace. Je sais que les jumeaux ont déjà fait quelques essais sur une patinoire, et que ce n’est pas évident.
Très vite, je comprends qu’il ne faut surtout pas courir sur les talons, mais sur l’avant de la chaussure, pour bien ancrer les pointes. Je suis rassuré, je prends confiance. Mes craintes diminuent.
Nous apprenons enfin que le départ du marathon aura lieu le lendemain, à 18h.
14 décembre 18h sur la ligne de départ :
les visages se crispent, quelques tapes dans les mains avec certains concurrents. On s’observe discrètement, qui va partir le plus vite, qui va prendre la tête de la course, qui va l’emporter. Toutes ces questions me traversent l’esprit en quelques secondes. Puis le coup de corne de brune donné par Richard DONOVAN, retentit.
Les russes partent comme des dératés, et prennent la tête, mais pas question pour moi de me laisser larguer. Je regarde Hervé et décide d’attaquer sans attendre.
2 km plus tard, je suis devant, je ne dois pas ralentir jusqu’au sommet, c’est le seul moyen pour moi de creuser l’écart. Je pourrai ralentir et récupérer qu’une fois au sommet, pour ensuite repartir encore plus vite.
Et puis……si je dois craquer, ce n’est pas grave, au moins j’aurais tenté.
Une fois au sommet, je souffle, et déroule sur une zone beaucoup plus plate.
Je regarde derrière et me dit « bien joué ça a payé, tu as creusé l’écart, maintenant gère »
Les petits saluts de Damien qui filme, m’encouragent à aller encore plus vite, et je sais que je file vite. L’écart est de plus en plus important avec le second, un américain de 24 ans, et encore plus sur les 3èmes, Philipe et Hervé.
Au 25ème km, je repasse devant la ligne de départ, encouragé par tous les gens du camp. Au passage, un verre d’eau chaude remis par Richard, me donne l’impression que tout dégèle à l’intérieur.
Jusqu’au 36ème, tout ce passe bien, mais au retour le froid commence à m’envahir, la fatigue est là. Je suis entrain de payer « mon départ canon ».Tant pis, je pousse encore.
Plus que 6 km, c’est dur, très dur, je souffre du froid, je manque de repaire, car je ne vois rien au loin, ni le camp, ni même la ligne d’arrivée. Et pourtant, je regarde ma montre, 5h 02, je sais que j’y suis presque.
Puis tout à coup, j’aperçois enfin le camp, alors j’accélère, je veux tenter de battre le record de 5h09.
Et la ligne d’arrivée est là, je n’en crois pas mes yeux, je vais gagner le gagner « mon marathon », et quel marathon, marathon de l’extrême comme ils disent.
Ils sont tous là pour m’accueillir, ça fait chaud au cœur, au moment où je passe la fameuse ligne.
Je m’écroule de fatigue, de joie je ne sais plus. J’ai froid, je n’arrive pas trop à parler, j’ai du mal à répondre aux questions de Damien, qui me filme.
Mais j’ai gagné, c’est le plus important, j’ai gagné !!!!!!!! En battant le record 5h08.
Ice Marathon : les 100 kms – 18 Décembre 2006
Un 100km, 34 h après un marathon, peut-être un peu fou ??????
34h après, je prends le départ des 100km, tellement heureux d’avoir remporté le marathon, que j’en oublie la fatigue. Les concurrents ne sont pas nombreux, 7 au total, dont 3 Français, 1 Américain, 2 Anglais et 1 Irlandais.
Cette fois, ce n’est pas Richard qui donne le départ, car il participe à l’épreuve, mais le directeur de l’organisation.
Le départ est rapide, Richard prend la tête de la course.
Je dis à Hervé, qu’il ne faut pas trop le laisser partir. Ce dernier me répond, de ne pas m’inquiéter, que tout se joue normalement au 75ème km. Mais je suis sceptique, et tant pis je décide de ne pas attendre.
Je sens que je ne dois pas perdre Richard de ma ligne de mire, alors je laisse les jumeaux, et j’attaque.
Au premier tour, Richard et moi, avons fait déjà fait « le trou, ». Je n’aperçois plus les suivants. Mais je reste prudent, les 2 autres Français ont l’expérience des longues distances, et je peux lâcher prise à tout moment.
Je profite du premier passage au camp pour me changer toutes les couches du haut, y compris les deux cagoules. Je perds au moins 5 à 6 minutes, mais tant pis.
Au second tour, c’est la catastrophe. Dans la précipitation, j’ai oublié ma gourde. Alors pas d’eau pendant 25 km !
Mais au 44ème, je n’arrive plus à avancer, je suis même au bord de l’abandon.
Heureusement qu’en plein découragement, la moto neige de l’assistante n’est pas passée, et que je suis en dépit de mon état, dans l’obligation d’avancer.
J’aperçois enfin la tente au loin. J’appelle, tout en m’approchant, mais personne ne sort.
En fait la tente est vide, mais le plus important je peux me réchauffer, et surtout je peux boire chaud, et me restaurer.
Je bois vite 4 ou 5 tasses d’eau chaude presque bouillante. OUF, je vais mieux, je repars en marchant au début, puis très vite le rythme revient. J’ai perdu du temps, alors je me retourne et regarde au loin, personne. Je retrouve la pêche, et fini mon second tour avec l’envie chevillée de finir l’épreuve.
Au 3ème Tour, je me change une nouvelle fois, et récupère ma gourde. Ce tour se passe normalement, sans problème. Et ainsi de suite, jusqu’au dernier ravitaillement.
Je préfère manger salé, 2 ou 3 baby bel, 2 verres de Coca. Je rempli ma gourde de thé bien chaud, je change seulement la cagoule, et le plus vite possible, je repars.
Je repars pour le dernier tour, il reste 25km !
Mais au 78ème plus rien, plus de son, plus d’image, je n’avance plus.
Mes jambes ne me portent plus, je n’ai plus de force.
Je suis là planté, je repense à tout, à mes entraînements, seul le soir, très tard, à tous mes sacrifices, à ma famille, à ma femme.
A mes copains, qu’allais-je leurs dire à tous, à mon bureau, aux sponsors, aux journalistes, à tous ces gens qui me suivent, qui me supportent ?
Non, je n’ai pas le droit d’abandonner, même si j’ai gagné le marathon, je dois continuer.
Je pense à mes parents, et je crie, je hurle même, pour me donner du courage.
Je suis seul dans ce désert de glace, j’ai l’impression de courir vers nulle part, mais je ne peux rien faire d’autre que courir. Alors, je me remets péniblement en route, et là je me retourne.
Soudain au loin, j’aperçois deux petits points noirs. Je comprends toute de suite, que ce sont les jumeaux. Je ne veux pas être rattrapé, je décampe comme un lapin, sans savoir où je prends cette force. J’ai l’impression de reparti comme au premier tour avec la même fougue.
je profite d’une zone plane, pour avaler rapidement un gel, mais sans vraiment ralentir.
Quelques kilomètres plus loin, je me retourne une nouvelle fois, et aperçois Damien, le caméraman, en moto neige qui arrive à ma hauteur. Il me filme et je lui dis : « je ne peux plus, je suis au bout du rouleau »Mais il m’encourage, me répond que je suis presque arrivé, que je vais accomplir quelque chose de grand, que je suis second.
Encore une fois, je trouve la ressource je ne sais où, et je cours.
Je termine cette incroyable aventure en passant la ligne d’arrivé en 2ème position du 100km.
Hé oui, je suis SECOND du 100 km, Richard est 1er.
Quelle joie, je tombe à genoux, le nez dans la neige.
Durant quelques seconde, je repense à tout, la souffrance, le froid, les douleurs dans les jambes, les muscles tétanisés, le froid, mais tout s’envole aussitôt.
Quelle belle aventure, QUE DU BONHEUR, plus de douleur, plus de souffrance, plus de froid, j’ai tout oublié, je ne garde que le bon.
Des souvenirs et des images incroyables.